Culture Print

Je suis né à Shanghai en 1991. Au début des années 90, cette ville a connu un changement radical sur le plan économique en favorisant les réformes de commerce et l'ouverture importante aux importations de marchandises issues de l'étranger, et particulièrement des Etats Unis. Quelques années plus tard, des formes de contrefaçons, imitant les marchandises importées, apparaissent dans de nombreuses villes et villages, et impliquent un jeu de valeur entre la copie et l'original. A ce moment-là, je découvre l'art en m'intéressant à la peinture. Elle m'est traditionnellement enseignée selon le principe de l'imitation de tableaux de maîtres, reconnus pour leur valeur esthétique. Je décide de venir étudier en Europe en restant très influencé par les critères d'enseignement de l'art en Chine, très concernés par l'académisme. Du côté de la tradition grecque, j'apprends que la "mimesis", l'imitation est au cœur de la question picturale. Au Ve siècle av. J.-C., deux des plus grands peintres de l’Antiquité, Zeuxis et Parrhasios, s'affrontèrent dans un concours. Zeuxis apporta un tableau représentant des grappes de raisin. Il était peint avec tant de réalisme qu'une nuée d’oiseaux tenta d'en picorer les grains. Parrhasios de son côté avait peint un simple rideau. Zeuxis, qui était déjà persuadé d'avoir gagné, suggéra qu’on ouvrit le rideau, qu'il croyait réel, pour voir le tableau de son concurrent. La "mimesis" était tellement parfaite qu’il dut s’avouer vaincu. L’un avait trompé des oiseaux, l’autre un artiste... A ce moment-là, pour gagner ma vie, j'achète et je revends un objet particulier, que j'aime et que je collectionne par ailleurs : la sneaker, mais aussi d'autres chaussures et vêtements, à tirages limités. Ce sont des pièces de valeur qui me permettent de vivre en France et d'y étudier. Je me questionne sur ce qui, dans ma vie, fait la valeur des formes que je peux produire et échanger. Que vaut une œuvre d'art à côté d'une marchandise ? C'est une question que pose l'art contemporain et une tradition moderne du côté de Marcel Duchamp et de ses ready-made.